Le chanvre textile veut revenir sur le devant de la scène
Premier producteur européen de la « plante aux mille vertus », la France veut développer le chanvre textile. La culture de cette plante représente 22 000 hectares, soit 37% des surfaces européennes. Notre pays se classe même au troisième rang mondial pour la culture de chanvre. Une forme de « reconquête », comme l’écrit Ouest-France, alors qu’elle avait quasiment disparu dans les années 1960, après une très longue et importante exploitation les siècles précédents.
Utilisée dans bien des secteurs, la plante veut désormais prendre une part plus importante dans l’industrie textile. « Les surfaces ont été multipliées par trois en dix ans. On s’attend à ce qu’elles doublent d’ici à cinq ans. 50 millions d’euros seront investis dans les prochaines années pour construire de nouvelles chanvrières, augmenter les capacités de production », explique au quotidien du grand ouest Franck Barbier, président de Interchanvre et cultivateur lui-même.
Le chanvre textile largement minoritaire dans nos vêtements
Le chanvre textile apparaît donc comme un débouché à « forte valeur ajoutée » et la plante conquérir d’autres secteurs que ceux du bâtiment ou du bien-être. La « demande croissante de vêtements éthiques » et les enjeux environnementaux poussent le chanvre textile à se développer. « La fibre est travaillée pour la rendre suffisamment fine et de même longueur que le coton. Le résultat, appelé « chanvre cotonisé », permet d’intégrer la filière textile », décrypte Franck Barbier. De plus, « le chanvre a un impact environnemental cinq à huit fois plus faible que le coton. Il n’a besoin d’aucun pesticide ni d’irrigation ».
Mais il va falloir de gros efforts pour s’imposer dans un secteur où le coton et les fibres synthétiques représentent l’immense majorité de la production. Le coton représente 30% des matières utilisés pour concevoir des vêtements, les fibres synthétiques 69%. Pour le chanvre textile, c’est seulement… 0,1%. « Nous sommes à un niveau statistiquement si faible qu’il se situe sous les radars des flux du textile mondial », analyse Damien Durand, de la confédération européenne du lin et du chanvre.
Les grandes marques de plus en plus intéressées
Pourtant, de grandes marques se tournent vers cette plante, comme Levi’s, Zara ou Tommy Hilfiger, qui souhaitent intégrer le chanvre textile à leurs jeans. En France, la marque Le slip français a créé son premier sous-vêtement en chanvre. « Un sous-vêtement 100 % en chanvre, il faut oublier pour la douceur. Nous avons mis au point un fil composé à 30 % de chanvre et 70 % de lyocell. Cela a demandé beaucoup de recherche et développement, car le fil est plus épais. Il a fallu baisser le rythme des machines et tricoter moins vite », analyse Léa Marie, directrice industrielle de la marque.
« Le chanvre est capable de répondre à plusieurs utilisations que l’on ne soupçonnait pas », juge de son côté Franck Barbier. « Nous menons des recherches sur les variétés pour le textile pour obtenir du fil adapté aux chemises par exemple, ou encore pour réduire le coût des process. Le chanvre textile a un grand avenir. » Et les marques commencent à changer leur fusil d’épaule, après des décennies à dénigrer la plante.
« Nous avons rencontré des marques qui ne voulaient pas entendre parler du chanvre, mais cela a changé », explique pour sa part Mathieu Ebbesen-Goudin, fondateur de la coopérative VirgoCoop, à Fashion Network. « C’est un peu comme pour les légumes : on refusait les produits difformes, alors qu’aujourd’hui c’est presque gage de qualité. Le chanvre a encore des enjeux de régularité, des défauts et grosseurs, mais il répond à une attente réelle des consommateurs qui veulent du naturel, de l’authentique. »
Un avenir prometteur ?
La part du chanvre textile dans la production de vêtements devrait donc croître de manière significative dans les années à venir. Mais il faudra se montrer patient, car la plante revient de loin. L’avenir semble tout de même se conjuguer avec le chanvre dans le secteur du textile. « En vingt-cinq ans, je n’ai jamais vu un engouement aussi fort. On est en train de recréer quelque chose qui avait disparu. Tout réapprendre demande du temps. Mais on y vient ! », se réjouit Benoit Savourat, dirigeant de la Chanvrière, dans l’Aube.